Je ne suis pas vraiment un joueur acharné.
La passion est là, certes, mais une fois le jeu fini, je ne suis pas du genre à le refaire avec un autre niveau de difficulté, ou courir après les trophées, je fais ça avant si ça m'intéresse.
Cependant j'ai une exception à ce principe.
Bon le suspens est un peu pété, puisque vous avez bien sûr vu de quoi on parle.
J'ai retourné Link's Awakening dans tous les sens, je me suis inventé tous les handicaps possibles et inimaginables pour le refaire encore et encore.
Et je ne m'en lasse jamais...
Putain, j'adore ce jeu.
Quitte à l'adorer, autant le tester
Link vient de battre Ganon.
Le Monde des Ténèbres est redevenue la Terre d'Or où la Triforce peut désormais reposer loin de la convoitise des hommes.
Malgré cette victoire, notre héros n'est pas en paix...
Pense-t-il à ses futures épreuves? Cherche-t-il la solitude pour s'entrainer? Veut-il se retirer du monde?
Nul ne sait, toujours est-il que l'Elu de la Triforce a quitter Hyrule pour prendre le large.
Mais les Déesses ne sont pas tendres pour notre héros, alors qu'il lutte contre une tempête, un éclair frappe son frêle esquif et le détruit .
Link réapparait sur une plage, inconscient. Une jeune fille l'aperçoit au loin et court le sauver. Notre héros se réveille dans la maison de son sauveur, qui s'appelle Marine. Après avoir récupérer son bouclier, le jeune hylien part retrouver son épée.
Cette dernière en main, un étrange hibou apparait et met Link en garde. Si il espère rentrer chez lui, il doit rencontrer le Poisson-Rêve qui trône au sommet de l'ile Cocolint dans un oeuf.
Huit instruments magiques sont disséminées sur l'ile, les récupérer est indispensable pour tirer le Poisson-Rêve de son sommeil et ainsi quitter Cocolint.
Link n'échappe donc pas à sa destinée et doit repartir en quête pour réveiller ce mystérieux poisson et découvrir le secret de cette île...
The fourth mighty and epic quest of the green warrior.
Pour commencer, récapitulatif: Nous avons à faire ici au gameplay emblématique des Zelda (qui est sans doute le meilleur gameplay possible à deux boutons).
Les boutons A et B sont comme les deux mains vides de Link, il faut leur attribuer une arme ou un objet dans le menu. Grâce à ce gameplay, il est possible d'obtenir de grandes variétés de situation. En effet, alors que des jeux "basiques" attribue un bouton à une fonction (le saut et/ou le tir le plus souvent), Zelda laisse au joueur le soin de choisir son équipement. Link n'a donc pas son épée soudée à la main gauche. Ce détail contribue d'ailleurs, je pense, à humaniser Link, ce qui en fait un héros emblématique même muet, car cette optique de choix nous rapproche du JDR, d'où la création du "action-RPG".
Notre hylien va parcourir toute l'île de Cocolint. Elle recèle huit donjons tous répondant aux critères classiques des Zelda.
Chaque niveau est gardé par un boss qui, après un trépas en bonne et due forme, libèrera l'accès à l'instrument magique. Pour se frayer un passage, Link devra mettre la main sur la carte, la boussole, la clef du boss et le trésor du donjon. Une particularité cependant, Link devra trouver aussi un fragement de marbre qui se place sur des fresques brisées. Placer ce fragement permet de révéler des indices sybillins sur la progression du donjon en cours. (Cette idée ne sera pas reprise pour les autres Zeldas et le fragment deviendra un bec de pierre dans Zelda DX).
Pour l'inter-donjon, diverses sous-quêtes s'ajoutent pour libérer l'accès au niveau suivant. Parmi les nouveautés qui deviendrons récurrentes, notons l'introduction du troc. Cette quête débute lorsque l'on récupère la figurine de Yoshi à l'UFO Catcher du Village des Mouettes. Ce premier objet se donne à un personnage qui vous confie un autre objet en échange. Et ainsi de suite tout au long du jeu jusqu'a l'obtention de la loupe, qui sert à... Mais arrêtons nous là.
En plus des célèbres quarts de coeur, Link pourra optionnellement chercher des coquillages qui, à partir d'un certain nombre, s'échangeront contre un cadeau fort utile.
Link a découvert l'ocarina dans A Link to the Past, il gagnera à nouveau cet instrument dans Link's Awakening avec cette fois-ci la possibilité d'avoir plusieurs mélodies, chose que nous retrouverons dans Ocarina of Time.
Ce foisonnement de quêtes et d'activités annexes témoigne de la richesse de cet épisode, mais cette même richesse se retrouve dans le gameplay, puisque ce Zelda introduit le concept de combinaison d'objets.
Le principe avait été esquissé dans le premier Zelda, où il fallait combiner arc et flèches en A et B pour tirer à l'arc. Ici, certaines combinaisons vous permettrons de découvrir des originalités de gameplay (avec les flèches explosives par exemple) ou carrément être indispensable à la progression du jeu (les bottes et la plume), le joueur est donc sollicité pour se montrer inventif.
Autre nouveauté, Link's Awakening propose des phases de jeu en 2D vue de profil. Grâce à la Plume de Roc, le seul item qui a permis à Link de sauter, il vous faudra souvent bondir comme dans un jeu de plate-forme. Ces phases sont prises au premier Zelda, où quand on empruntait un escalier, on traversait la zone dans une 2D de profil. Link devra d'ailleurs battre deux boss avec cette jouabilité particulière.
Les ennemis dans Link's Awakening peuvent aussi laisser des power-up, une première dans la série. Ainsi, on peut récupérer des Fragments de puissance (des bouts de Triforce en fait) qui multiplie la puissance de l'épée. On trouve aussi le Gland, qui divise par deux les dégâts reçus.
Link's Awakening propose en outre de nouvelles trouvailles de game design: que ce soit plonger avec les palmes pour trouver des items, garder un chien, planer accroché aux pattes d'un coq, détruire des piliers pour faire tomber un donjon, voler dans un magasin pour faire des économies ou diriger une sorte de machine qui fabrique votre chemin (8ème donjon). Le jeu se répète donc rarement, chaque donjon possède une identité forte qui, malgré la répétition dans le déroulement, ne créé aucune lassitude chez le joueur.
On en rêvait, Nintendo l'a fait.
Il est pour moi acquis que The Legend of Zelda: Link's Awakening est le meilleur jeu jamais sorti sur une console 8 bits. Il est inégalé et surtout inégalable.
Le mot qui définit le mieux ce jeu est "harmonie". Tant les graphismes, la bande-son, l'histoire, le gameplay et le level-design, tout est parfaitement équilibré.
L'ensemble de ses éléments constitutifs est tel qu'il transcende le jeu lui-même. Il transcende le simple jeu dans le sens où le déroulé est tel que l'on en oublie la composante "jeu". Link's Awakening se vit comme une quête, il fait ressentir le même souffle épique qu'a la lecture d'un roman d'aventure. Faire oublier qu'il est un jeu pour être une aventure est incontestablement sa plus grande réussite, et cela contribu pour beaucoup à la place qu'il a pour les joueurs.
Link's Awakening créé la fusion parfaite entre toutes les composantes d'un jeu vidéo. Dans beaucoup de jeux, un défaut même léger, de gameplay se remarquera et rendra la progression moins aisée. Des hésitations dans les graphismes se verront et le plaisir sera peut-être moindre.
La faible puissance de la Game Boy permet d'occulter ce genre d'errements. Alors que les consoles puissantes sont mal maitrisées, Link's Awakening démontre que la course à la puissance est vaine. L'important pour la réussite d'un jeu est l'équilibre parfait entre tous ces éléments et qu'importe la quantité (de niveaux, de polygones, de possibilités).
En utilisant toutes les ressources limités de la Game Boy, les développeurs sont contraints d'exercer tout leur talent pour tirer parti des limitations techniques.
Link's Awakening est l'incarnation d'un paradoxe flagrant du jeu vidéo. Plus on laisse de liberté technique à un développeur et moins le jeu sera abouti. Alors que la puissance monstrueuse d'une PS3 ou d'une Xbox laisse des possibilités incommensurables aux créateurs, on se rend compte que pour des questions de rentabilité et de temps, on se retrouve avec des gameplay/level design de plus en plus stéréotypés et donc creux.
A contrario, les machines faibles, qui laissent donc moins de latitudes, obligent les développeurs à penser chaque sprite, chaque octet de mémoire. Privé de la liberté technique, il est alors vital de mettre en avant le level-design, le scénario, les personnages, bref tout ce qui n'est pas lié directement aux capacités physiques du support.
Link's Awakening démontre que le jeu vidéo peut se comparer à un ermite dans une grotte. Si il mène une vie ascète, privé du luxe, de l'apparat et des moyens, alors il se tournera vers une dimension plus "spirituelle", à la recherche de l'harmonie de tous ses éléments pour attendre une plénitude ludique et artistique (comme le démontre les jeux indépendants qui sont actuellement les seuls dépositaires de l'originalité dans le jeu vidéo.)
"Je ne vous dirais pas de ne pas pleurer, car toutes les larmes ne sont pas un mal"
Il n'aura échappé à aucun joueur de ce Zelda que sa fin est très mélancolique. Cela contribue grandement à la beauté du jeu.
Ce Zelda nous enchante au début et à la fin avec des cinématiques qui, sur Game Boy Color, font penser à de vrais petits dessins animés.
Chose rare sur les supports 8 bits: le jeu est interrompu vers son milieu par une autre cinématique, assez longue, où Marine nous explique le mal-être qu'elle ressent à vivre sur une île. Cet intermède scénaristique est une première dans Zelda car elle implique un changement de perspective. Link et Marine sont vus de dos, comme si nous les regardions pendant une pièce de théâtre. En outre, le scénario prend une place centrale, la où les anciens jeux plaçaient l'histoire uniquement en début et en fin de jeu.
Ce positionnement cinématographique est, dans ma vie de joueur, le premier contact avec une approche réellement scénaristique dans un jeu vidéo. Link's Awakening développe une histoire, un vrai background que l'on retrouve aussi avec les apparitions inopinées du hibou, entité mystérieuse qui guide notre héros certes mais qui n'hésite pas non plus à l'interroger sur lui-même et ses motivations (et celle du joueur par la même occasion). Comment aussi, ne pas être surpris et ému avec ce fantôme qui vous suit jusqu'a ce qu'on le ramène chez lui pour qu'il repose en paix.
The Legend of Zelda: Link's Awakening est à la fois un aboutissement et un adieu.
Un aboutissement car il pousse le jeu 8 bits à son maximum en terme de graphismes, de musique, de gameplay et de scénario.
Mais aussi un adieu, car la Playstation est là et elle va radicalement changer le jeu vidéo pour longtemps. Avec le quasi abandon de la 2D, les jeux tels que Nintendo ou Sega les faisaient vont disparaitre. Fini les petits sprites hauts de quelques pixels où un saut figurait la joie, place à la motion capture et aux graphismes réalistes.
Ce Zelda est triste, car en plus de finir un beau jeu, on dit adieu à l'enfance du jeu vidéo.
Une enfance qui aura été bercée par des contes et The Legend of Zelda: Link's Awakening est l'un des plus beaux.
Joyeux anniversaire Link...